Soutien à Pauline Bourgoin et à toutes les mères, pères et enfants coupés de leurs liens les plus fondamentaux sans que cela ne soit justifié.

Soutien à Pauline Bourgoin et à toutes les mères, pères et enfants coupés de leurs liens les plus fondamentaux sans que cela ne soit justifié.

Desssin d’Olivier Hueber, père de deux enfants placés de 3 ans et 6 ans.

Nous, Collectif de Parents, souhaitons alerter sur  une triple pensée qui fait ravage dans le milieu de la protection de l’enfance.

La première est que l’enfant « n’appartenant pas à ses parents », il n’y a pas de mal à le leur retirer.

La deuxième, c’est qu’il vaut mieux être prudent, « on ne sait jamais »

La troisième, c’est l’idée que l’État est en capacité de faire mieux que les parents sur le plan éducatif, médical, relationnel, etc…

Or les normes changent. Les disputes entre conjoints, les fessées, les haussements de ton, […] sont considérés comme des violences et, de fait, de plus en plus comme de « la maltraitance » et des  «mises en danger » d’enfants.   La population -et surtout le corps enseignant- est incitée à dénoncer, dans l’anonymat, la moindre violence ou anomalie qu’elle pourrait observer[1].

Ainsi, dès lors qu’il y a une suspicion, une présomption de maltraitance, de négligence,  de défaillance de la part des parents, par précaution, il est généralement « administré » une action d’assistance éducative consistant soit à une mesure « dite éducative »  de 6 mois, soit un placement.

Au nom de ces trois principes, le nombre d’enquêtes, de mesures éducatives, d’enfants retirés à leurs parents a explosé ces 5 dernières années sans considération des graves traumatismes que ces actions peuvent avoir sur l’ensemble de la cellule familiale.

Nous faisons partie des pays européens où les enfants sont le plus retirés à leurs parents pour être « placés »[2]. D’après les chiffres officiels, en 2019, 53 infanticides intrafamiliaux ont été dénombrés[3]. Cette même année, le nombre d’enfants placés en France se situe autour de 180 600 4] [17] ! Cela a été près de 470 mesures de placements judiciaires (nouvelles et renouvelées) prononcées par jour en 2019 au titre de l’enfance en danger[5] ! C’est ainsi, qu’en France, plus de 1 enfant sur 100 est retiré à ses parents pour être « placé ». Dans certains départements ou au niveau national, sur certaines tranches d’âge, c’est 1 enfant sur 25 qui « bénéficie » actuellement d’un placement ou d’une mesure éducative[6].  

Pourtant ces mesures ne devraient être réservées, selon l’article 375 du Code Civil, qu’aux cas où « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger » (au sens légal du terme), ou « si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».

C’est aujourd’hui loin d’être le cas. Comme ici pour la petite Louise, mais aussi Lou et Nausicca, les enfants des parents de Vitrés placés sans que cela ne soit réellement justifié, ce sont des milliers d’enfants mais également de parents, dont personne ne parle jamais, qui sont victimes du système de la protection de l’enfance. Pour ces derniers, le retrait d’un enfant peut s’apparenter à un kidnapping étatique surtout lorsqu’il est réalisé uniquement sur la base de rapports de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) exagérément à charge, voire mensongers, établis par des personnes non assermentées. Sur un simple hochement de tête du représentant de l’Aide Sociale à l’Enfance, des juges ordonnent ou renouvellent les placements, sans preuve de danger, quand bien même enfants et parents veulent se retrouver. Une fois placés, les parents n’ont que très peu le droit de voir leur(s) enfant(s) et les retours en familles se font compliqués. Pour la plupart d’entre eux, lorsque les droits de visite ordonnés sont réellement mis en œuvre par l’ASE, les parents (ou les proches) ne disposent, pour les voir, que d’un temps limité, le plus souvent 1 h par mois, et généralement « sous surveillance ».Petit à petit, les parents voient leurs enfants se détacher d’eux.

Comme pour la petite Louise et sa mère Pauline Bourgoin, où, d’après son avocate [16] « la décision reconnait que l’aide sociale à l’enfance (ASE) du Loiret faisait obstacle à leur lien », dans un grand nombre de cas, la rupture du lien semble être sciemment organisée avec les placements et les visites médiatisées. C’est un crève-cœur pour ceux qui sont attachés à leurs enfants. Trop souvent, impuissants, ils assistent, muselés, pieds et poings liés, à la destruction de leurs enfants tant par les violences physiques et morales subies dans les foyers (harcèlement, viols, prostitution…[7]), que par l’hypothèque de leur avenir (1 SDF sur 4 est un ancien enfant placé, 22% des enfants placés sont, à 17 ans, déscolarisés, 70% sortent sans diplôme[8]). Nous ne souhaitons à aucune famille de vivre une telle chose. Mais nous constatons, à travers nos collectifs de parents, que de très et trop nombreuses familles subissent un tel supplice au nom de la protection de l’enfance.

La crise sanitaire est venue amplifier le phénomène depuis 2020 avec l’idée[9] que les enfants placés sont plus faciles à gérer sans contact avec leurs parents biologiques. D’un constat situationnel que beaucoup d’intervenants auprès des enfants ont établi (crèches, écoles, enseignants..), certains dogmatisent pour justifier, militer, agir en faveur de la rupture définitive du lien entre parents biologiques/enfants au nom de « l’intérêt de l’enfant », jusqu’à pousser des parents à abandonner leurs enfants.

« Les enfants n’appartiennent pas à leurs parents » peut-on entendre de la part de Laurence Rossignol dans l’émission de Ce Soir du 5/04/2013, peu de temps avant de devenir Secrétaire d’Etat en charge de la famille puis Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. « La France n’aime pas les enfants »…«Parce que nous sommes dans un pays où historiquement les enfants ont toujours été considérés comme la propriété des parents » indique Michele Créoff, Vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) dans un article du Figarovox daté 30 d’avril 2021[10]. « Faire de la rupture familiale un outil de tranquillisation des enfants placés » peut-on lire de la contribution de Mme Perrine Goulet, députée de la Nièvre p 332 du rapport d’enquête n°3703 pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse du  16/12/2020[11].

Du côté des parents et des familles plus largement, les sentiments mêlés d’absurde, d’injustice, de colère, d’impuissance et le désarroi ne font que s’amplifier : il faut que cela cesse. Nous, parents, rappelons qu’un enfant sort des entrailles de sa mère et qu’un lien réciproque « biologique » et « physiologique » naturel et très puissant se met en place entre l’enfant et ses parents. C’est ce lien qui va permettre à l’enfant de grandir et prendre son indépendance. On le retrouve chez tous les animaux dont les petits ne peuvent se subvenir à eux-mêmes. Ce n’est que dans de très rares cas qu’un parent, naturellement, ne protégera pas son enfant. Soustraire un enfant à ses parents, à sa famille et encore plus, couper ce lien est une entrave grave à la nature et peut s’apparenter à de la torture. Cela  détruit beaucoup de familles, de parents et d’enfants. Ce n’est que dans de très rares cas que c’est salvateur[12].

Nous, Collectif de Parents, condamnons à ce titre, et avec la plus grande fermeté, les propos tenus par la Magistrate Mme BEGON, enseignante à l’École de la Magistrature, aux assises de Nantes du 24 et 25 juin 2021 sur la protection de l’enfance, lors d’un atelier sur les liens d’attachement. Elle s’écarte du fil directeur légal qui regarde la dangerosité des parents pour placer un enfant pour promouvoir, plutôt via le placement, la possibilité pour l’enfant de créer un nouveau lien d’attachement extrafamilial. Dans cette logique, les placements ne sont plus une « mise à l’abri » et «l’objectif d’un placement n’est pas de rendre les enfants aux parents » contrairement à ce que beaucoup de parents espèrent, mais de créer une nouvelle opportunité pour l’enfant. Ce n’est ainsi plus la dangerosité d’un parent, ni ses défaillances qui sont évalués mais sa capacité à permettre à l’enfant de se « sentir en sécurité », et pour cela, à toujours percevoir, comprendre ou imaginer le besoin de son enfant.

En tant que parents, nous ne pouvons accepter, surtout véhiculés par une magistrate de premier ordre, de tels propos qui sont contraires à l’esprit de la Loi et ouvrent la voie à l’arbitraire. Qui donnent également le droit à n’importe quel tiers, de pouvoir s’immiscer dans ce lien parent-enfant précieux, intime, et d’en juger la qualité en quelques observations, jusqu’à faire placer l’enfant, si la qualité parentale requise est considérée comme amoindrie.

Nous invitons les intervenants du secteur à observer plus sérieusement le changement actuel de paradigme dans l’évaluation des situations des enfants lié à la théorie « de l’attachement », mais aussi à la notion de « risque de danger ». En effet, considérer qu’un enfant est en danger parce que potentiellement il pourrait, à un moment, se sentir en danger quand bien même objectivement il ne l’est pas, peut conduire à toute sorte de dérive et laisse une très grande place à l’extrapolation de risques imaginaires ou moraux et d’indices propres à la subjectivité des évaluateurs. Nous déplorons fermement ces pertes de repères et cette tendance à considérer toute situation mal appréciée comme « risque de danger ».

Comme Perrine Goulet, nous nous interrogeons sur ces 10 000 à 15 000 enfants qui ont été rendus, du jour au lendemain à leur parents faute de personnel, lors du premier confinement, et dont excessivement peu ont été replacés. Quid du danger réel chez eux, que faisaient-ils à l’aide sociale à l’enfance ?[13]

Nous sommes très choqués de voir combien il est demandé aux parents d’être des parents « parfaits », et de ce qui leur est infligé dès lors qu’ils sont suspectés de « sortir du cadre » ou ne sont pas considérés comme étant à la « hauteur souhaitée » : humiliation et infantilisation, surveillance et contrôle, menaces et déstabilisation, jusqu’au harcèlement. Ce sont les méthodes couramment employées par l’aide sociale à l’enfance pour faire comprendre aux parents qu’ils sont de « mauvais parents » quand bien même ils ne le sont pas.  Avec de tels procédés, un parent « imparfait » c’est-à-dire « normal » devient rapidement un parent « inapte ». Trop souvent nous constatons qu’il n’y a plus aucun respect de la personne humaine ; que la dignité et l’intégrité d’un parent sont bafouées. Régulièrement, un parent est traité comme un criminel sans pouvoir bénéficier des mêmes droits que ce dernier. De plus en plus, il lui est demandé/imposé de faire le deuil de son/ses propres enfants.

L’été dernier, l’alerte à enlèvement de Dewi par son papa a conduit à une véritable chasse à l’homme avec le déploiement de 70 militaires, des chiens et 1 hélicoptère. D’après un article du parisien du 1er Octobre 2021, ce père a été condamné à 6 mois de prison avec sursis pour « soustraction de mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié », à une obligation de soins psychologique, et surtout, à ne plus voir son fils qu’en visio (alors que ce dernier est atteint de surdité…), ce dernier ayant été placé dans une famille dont le lieu ne lui a pas été dévoilé. Nous ne connaissons pas le fond du dossier, mais nous voyons un père qui a voulu fêter l’anniversaire de son fils Dewi, at âgé de 8 ans, ailleurs qu’entre les 4 murs des services sociaux et qui ne l’a pas mis en danger. Ce sont tous les parents d’enfants placés qui sont menacés d’être traités de la sorte s’ils cherchent récupérer leur enfant hors cadre légal. Plusieurs parents sont actuellement en prison pour cela[14], alors que des enfants sont retirés à leurs parents sans qu’il n’y ait aucune preuve de danger !

Nous avons également été surpris de voir que des commentaires qui interrogeaient sur une alerte d’enlèvement attribué au père de l’enfant étaient filtrés mais non ceux qui qualifiaient l’homme de « simple géniteur ». Nous apprenons que la mère de la petite Mia, qui avait été mise en prison pour également avoir essayé de récupérer sa fille le 18 avril 2021, en sort, mais avec  l’interdiction d’entrer en contact avec des journalistes[15]. Il faut que la loi du silence cesse. Ce qui se passe n’est pas normal !

Quel regard un enfant pourra-t-il porter sur ses parents lorsqu’ils sont ainsi déconsidérés par les services sociaux, la justice, et finalement toute la société ? Comment pourra-t-il se construire ?

Nous entendons le mouvement actuel porté par d’anciens enfants placés qui dénoncent globalement « ce respect du lien du sang ». Nous les invitons à se renseigner sur les circonstances exactes de leur placement. A se mettre à la place de leurs parents pour comprendre ce qui s’est réellement passé et l’impact de leur retrait sur eux. A questionner la véracité du récit de leur enfance construit dans les rapports sociaux depuis leur placement.

Leur histoire, et leur maltraitance même, ne peuvent pas constituer un socle intellectuel, juridique suffisant pour remettre en question de manière générale, le caractère essentiel du lien filial et familial naturel.   

Nous remercions Pauline Bourgoin et tant d’autres parents pour leur témoignage. Nous espérons de tout coeur qu’ils pourront récupérer leurs enfants au plus vite.

Nous rappelons qu’en 2020 il y a 184 000 enfants retirés à leurs parents en France [17], soit plus d’un enfant sur 100. Un chiffre en constante augmentation, alors que le nombre de naissance diminue et le nombre d’infanticide intrafamiliale reste relativement constant d’une année sur l’autre autour de 50 par an.

Uni Pour Nos Enfants est un collectif de centaines de parents ayant eu « affaire » à l’Aide Sociale à l’Enfance. Ce collectif a été créé par Magalie Landa qui a reçu plus d’une centaine d’appels de famille en un mois lorsqu’elle a laissé son numéro de téléphone sur le site du Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans le cadre d’une proposition d’initiative citoyenne de «faire cesser les placements abusifs d’enfants en France» le 21 décembre 2018.


[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/enfance-en-danger-signalement-en-ligne-pour-le-119

[2] Le système de protection de l’enfance : un dispositif en souffrance à repenser de manière urgente | CNCDH

[3] note_chiffres_cles_annee2019_0.pdf (onpe.gouv.fr) p7

[4] L’aide et l’action sociales en France – Perte d’autonomie, handicap, protection de l’enfance et insertion – Édition 2020.pdf (solidarites-sante.gouv.fr) ,p160

[5] http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Chiffres%20Cles%202020.pdf (p20)

[6] L’aide et l’action sociales en France – Perte d’autonomie, handicap, protection de l’enfance et insertion – Édition 2020.pdf (solidarites-sante.gouv.fr) ,P162 et 185

[7] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/miaidenf/l15b2110_rapport-information# p131

[8] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/miaidenf/l15b2110_rapport-information#  p 65 et 136

[9] Rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale n°3703

[10] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/avec-le-droit-a-l-enfant-c-est-toujours-le-desir-de-l-adulte-qui-l-emporte-sur-les-besoins-des-enfants-20210430

[11] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cecovidj/l15b3703_rapport-enquete#

[12] https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/france-3-pieces-a-conviction-leve-le-voile-sur-le-sort-des-enfants-places_23c46a36-1973-11e9-9c06-0c291deb7893/

[13] RAPPORT (assemblee-nationale.fr) p 173 et p 299

[14] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-prison-pour-la-mere-qui-a-enleve-ses-enfants-49796a04-adc0-11eb-ae73-cbd3b5cdc4b3;

[15] https://www.ouest-france.fr/societe/justice/enlevement-de-mia-la-mere-bientot-remise-en-liberte-sous-controle-judiciaire-4585dad0-2125-11ec-8998-56362f09f2a2

[16] Article de T. Hermans et B. Mallan paru sur France 3 le 30/09/2022,https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loiret/montargis/placement-abusif-a-montargis-la-cour-d-appel-maintient-le-placement-de-la-fillette-malgre-les-accusations-de-violences-sexuelles-2625780.html

[17]Les bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance – data.gouv.fr